témoignage.........
Ethique de jugement
Rares sont les juges français invités au Portugal, et rares aussi ceux qui font ce déplacement pour aller étudier les races portugaises.
Et pourtant nos cheptels franco-français de ces races sont très faibles.
Sans oublier le côté éthique : c’est dans leurs pays d’origine que les races sont le plus développées, en général, et ce sont les dirigeants du club de ce pays d’origine qui sont en charge de la gestion du standard, de l’orientation générale de la race.
Comment peut-on sereinement juger une race si on n’a pas fait les efforts nécessaires pour l’étudier ?
Si on ne peut rien exiger, au moins peut-on fortement conseiller aux candidats juges d’aller voir sur place. Certes on ne peut pas avoir la même exigence pour des races originaires de pays lointains comme l’Asie ou les continents africains ou américains . Pour ces races il est toutefois souhaitable d’aller en voir dans les pays européens où elles sont le plus représentées.
Mais pour nos races Portugaises, ce n’est pas si éloigné qu’on ne puisse faire l’effort d’aller voir sur place. Par expérience je peux affirmer que les cynophiles portugais sont très accueillants, très ouverts et chaleureux avec ceux qui font cet effort.
Et ce n’est que dans le berceau de la race, là où des contraintes utilitaires ou écologiques ont présidé à sa création que l’on peut comprendre et assimiler ses caractéristiques.
C’est bien de connaître le standard, mais encore mieux de comprendre pourquoi les auteurs ont préféré telle caractéristique plutôt que telle autre, pourquoi ont-ils préféré telle taille (adaptation fonctionnelle au terrain), tel type de poil (intempéries, climat, végétation), pourquoi attachent-ils plus d’importance à certains points du standard….
Parce que si on le comprend bien, si on en assimile les raisons profondes, on appliquera sans doute mieux ce standard.
Les priorités sont celles qui ont trait à l’utilisation originelle de la race. Même si cela peut choquer un peu, il est évident que pour un chien de berger comme notre Cão da Serra de Aires, la fourrure et le mouvement sont plus important que d’éventuels petits problèmes esthétiques.
Que l’on ne se méprenne pas : certaines caractéristiques sont liées à la survie ou à la reproduction (les dents par exemple) mais un léger prognathisme n’a jamais empêché la conduite de troupeau, alors que de mauvais aplombs, des angulations non adaptées au terrain seront très pénalisants.
A l’heure du jugement il faudra relativiser chaque caractéristique, car le chien sans défaut n’existe pas. Et le crible au travers duquel se fera le classement doit être basé sur des choses objectives.
L’œil du juge est certes un outil peu précis, en partie subjectif, mais le bon juge n’est pas celui qui vous fait gagner. C’est celui qui sera capable de vous montrer ce qu’il voit, de vous l’expliquer avec des mots simples, sans vous abreuver de jargon, d’être logique et consciencieux, celui qui basera son verdict sur une recherche de points concrets et démontrables sur votre chien, et qui ensuite saura hiérarchiser ses observations en fonction des caractéristiques prioritaires de la race, de sa raison d’être.
Les directives du club du pays d’origine sont importantes parce que ce sont ses dirigeants qui ont collectivement la meilleure connaissance du cheptel, de son état sanitaire et utilitaire, et aussi la meilleure connaissance du berceau de la race.
L’évolution actuelle de beaucoup de races ne me paraît pas bonne. On a de plus en plus tendance à rechercher des chiens sophistiqués, avec beaucoup de toilettage, et l’émergence de nombreux handlers ne va pas ralentir cette tendance, au contraire.
Pourtant on n’a jamais vu un berger suivre son chien avec brosse, ciseaux ou spray gonflant. Au troupeau, les chiens se « toilettent » naturellement,brossés par les arbustes qu’ils rencontrent.
La sélection cynophile doit être un travail de MAINTENANCE, de conservation des caractéristiques fonctionnelles d’une race, de conservation de sa rusticité. Cette opinion est partagée par la plupart des grands cynophiles.
Et pour maintenir, il faut bien connaître !
Un juge français ne pourra se targuer d’être un spécialiste de la race que s’il a l’honneur suprême d’être invité à la juger dans le pays d’origine, car alors il sera reconnu comme bon juge par les dirigeants du berceau de la race. Ce n’est pas un objectif irréalisable , et l’utopie fait partie de la passion !…………….